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Remember "TOTALE REMEMBRANCE"
Remember "TOTALE REMEMBRANCE"
  • Rétrospective du tournage marathon de "Totale Remembrance", le film amateur le plus long et le moins cher du monde (du moins jusqu'au prochain crach boursier). Une expérience unique qui a définitivement marqué ses participants.
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25 février 2006

PROLOGUE: Meurtres Fatalement Mortels

11231997. Fabian Bodin, Frédéric Ochej et Christophe Mavroudis sont étudiants en deuxième année de leur graduat en communication. C’est dans le cadre d’un cours de pédagogie qu’ils se retrouvent chargés d’enseigner le langage cinématographique au reste de leur classe, de la manière la plus originale possible. Plutôt que d’analyser le travail de réalisateurs reconnus, les trois amis décident d’interpeller leurs compères en leur présentant un court métrage d’un quart d’heure, une parodie de polar, genre alors revenu au goût du jour grâce au succès du Pulp Fiction de Quentin Tarantino. L’occasion rêvée pour Christophe de retourner derrière la caméra et de réellement travailler le découpage et le montage d’un film après les quelques tentatives menées durant son adolescence.

La préproduction

couv_meurtres_fatals_graves11Après lecture de la bande dessinée « Meurtres Fatals Graves », signée Maëster et réadaptant des personnages créés par Marcel Gotlib (deux saints hommes auxquelles nous adressons la plus gracieuse des révérences), les trois étudiants décident de mettre en image une aventure du Commissaire Charolles et de l’Inspecteur Piggs, au tout début de leur collaboration. Les lignes principales de l’intrigue sont vite déterminées, sur base d’une structure très simple en huit actes : Meurtre d’un clochard lançant l’intrigue – Apparition des héros – Première confrontation avec le maître du crime – Les héros au commissariat, où ils croisent une foule de détenus pittoresques – Attaque des malfrats avec scène de poursuite et capture de Piggs – Scène de torture – Moment émotion avec les souvenirs de Charolles – Confrontation finale où tous les personnages se retrouvent et en finissent dans un duel Leonesque dont seul le Singer Killer, qui deviendra par la suite Raphaele Brantano, réchappe. Les nains de jardin étant à l’époque particulièrement à la mode, et les instigateurs du projet ne manquant d’ailleurs d’adhérer à la cause du FLNJ (Front de Libération des Nains de Jardins), il est décidé d’exploiter également ces personnages idiots, qui apparaîtront discrètement dans quelques plans du film.

5Frédéric s’octroie vite le rôle de Charolles, Fabian décide d’exprimer ses pulsions sadiques en incarnant l’un des deux tueurs, tandis que Christophe décide de rester sagement derrière la caméra. Le reste de la distribution est recruté dans la classe, généralement en fonction du tempérament de leur interprète et de leur propres desideratas. Dimitris Kapakoulakis, d’une nature plutôt impulsive, accepte de jouer Piggs. Raphael Segers, amateur de chanson française, campera l’adjoint du tueur. Sabino Orsini, charismatique, est choisi pour incarner le chef de la pègre. C’est Fabian qui décidera de l’appeler Brantano, afin de coller au mieux le meurtre commis au début du film à coups de chaussures. Beaucoup de personnages seront ensuite ajoutés au gré des participations et des disponibilités, dont le plus populaire de tous, le Boucher de Düsseldorf, n’apparaîtra qu’à la fin du tournage.

image6Les premiers problèmes surgissent lorsque les trois instigateurs du projet ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les dialogues et la construction même des scènes. Afin de ne pas ruiner définitivement le film, la date de la leçon – et donc de projection - s’approchant à grands pas, il est décidé que tout sera improvisé à même le tournage, la rencontre entre Brantano et les deux héros étant la seule à bénéficier d’un dialogue écrit. Les seuls vrais impératifs de mise en scène que le réalisateur doit respecter, convenus dès la mise en chantier, se limitent à quelques figures imposées, la théorie nécessaire au cours. Les différentes échelles de plans, quelques plans séquences, champs/ contre-champs basiques, différents types de montage, et usage du Flash-back pour la scène de souvenir. Se concentrant sur l’aspect technique, Christophe se braque sur la préparation 7des scènes d’actions, négligeant l’exposition et les dialogues, adaptant son découpage à son matériel, à savoir une simple caméra familiale et un lecteur vidéo usagé. Après plusieurs heures de test destiné à synchroniser caméra et enregistrement, il parvient péniblement à obtenir une précision de plus ou moins une seconde, la moindre erreur exigeant de retravailler la scène entière. Il est également décidé à l’unanimité de tourner en noir et blanc, à la fois par respect de la bande dessinée originale et par peur que les couleurs baveuses et ternes de la caméra 8mm ne nuisent férocement au résultat final.

Le tournage et la Post-production

image7C’est en février 1998 que le tournage commence, par la scène de poursuite. Les débuts sont balbutiants, les dialogues peinent à sortir malgré l’évidente conviction des acteurs et Christophe rate la plupart de ses plans, qui ne seront malheureusement pas retournés. Le tournage de la scène prendra deux après-midi, avec l’avantage de vite rôder l’équipe et d’instaurer une tradition qui en fera baver plus d’un : celle du coup plus vrai que nature. Frédéric reçoit un vrai coup de crosse de revolver et Dimitris se blesse au dos lors d’une cascade. La scène est très vite montée, mais pose d’emblée un problème. Le trio de tête va devoir revoir la structure de la leçon : le film sera plus long que prévu, la seule poursuite prenant à elle seule 8 bonnes minutes.3
Néanmoins, le tournage se poursuit. Le meurtre du clochard est introduit par un dialogue bien trop long entre les deux tueurs, mais dont l’importance sera plus grande que prévu. Elle installe le personnage de Raphael comme un doux rêveur, un amateur de chanson française obligé d’adhérer à la cause de son oncle par un tuteur agressif. C’est également à cette occasion que Raphael interprète L’avventura de Stone et Charden, chanson qui deviendra représentative du film dans la tête de l’équipe. Notons que Michael Lemmens, le pauvre clochard malmené, recevra bel et bien quelques coups de chaussures, Raphael prenant particulièrement son rôle à cœur.

12S’ensuit la rencontre avec Brantano, péniblement mise en scène par un réalisateur peu inspiré par la parlotte, et heureusement rehaussée par la prestation de Sabino. La projection de la poursuite enthousiasme toutefois la grand-mère de Raphael (béh oui), chez qui la scène est tournée, ce qui lui vaudra une apparition dans le générique final où elle formule une sympathique remarque à notre endroit, enrobée d’un délicieux accent italien : «Votre cinéma, là, il sera beau, éh. » Reste que Fabian aura les doigts écorchés par la scène de la boite à cigare, l’agrafe de fermeture se plantant malencontreusement dans sa chair à chaque prise.

image4Le tournage de la scène d’introduction des héros, suivie du flash-back dans la plaine de jeux, se déroule sans événements notables. Dimitris se blesse à la main lorsque Frédéric le désarme et ce même Frédéric, décidément trop grand, se prend un rebord du plafond lors du plan séquence, mais ce genre d’incident est devenu si routinier que nous n’y prêtons même plus attention. Notez que le hasard fait bien les choses, le plan séquence se clôturant par l’arrivée d’une voiture le ponctuant avec vigueur, chose que le réalisateur n’avait évidemment pas prévue.
Une chance qui ne sera pas avec nous pour la séquence du commissariat, sans nul doute la plus pénible à réaliser et à revisionner. Tournée à l’école, dans une classe à l’acoustique épouvantable, elle impliquait la présence de nombreux figurants, dont la plupart brilleront par leur absence (ne jamais tourner le lendemain d’une soirée !). La plupart des gags prévus tombent à l’eau, et l’équipe tente de combler les blancs par tout et n’importe quoi. La moitié de la scène, catastrophique, sera évacuée au montage, dont l’attaque du prisonnier vampire sur la personne de la secrétaire aguicheuse. Notons également que la coiffure de Dimitris dégénère de plus en plus, et que celui-ci est pourtant obligé de la supporter pour les besoins du film.

image2Le tournage à beau ne pas être terminé, les délais arrivent à terme et c’est sur base de la scène de poursuite que le trio va présenter sa leçon. A la grande satisfaction de l’équipe, les réactions de la classe sont positives et les rires au rendez-vous. On se dit que le copinage est avant tout de mise, mais l’intervention enthousiaste du professeur (Jean-Marie Lange, que nous saluons d’ailleurs au passage) semble affirmer le contraire. Occasionnellement membre des jurys d’évaluation des courts-métrages de fin d’étude de l’INSAS, école de cinéma située à Bruxelles, il gonfle l’orgueil du réalisateur en l’enjoignant de terminer absolument son moyen-métrage, la scène de poursuite se révélant à ses dires mieux réalisée que certains films lui ayant déjà été projeté. Sans doute un simple encouragement, mais qui fait plaisir à entendre. 10
C’est dans la foulée que sera tournée la dernière scène du film, la torture de Piggs. Désirant absolument faire participer Raphael Vanherten, originellement simple figurant dans la séquence du commissariat et à l’époque surnommé Psycho-Raf pour son plus grand plaisir, Fabian lui offre un personnage sur-mesure et dont l’apport sera énorme : le terrifiant Boucher de Düsseldorf, maître es-supplice dont la popularité est gagnée dès sa première apparition. En guise de récompense pour tout le tournage, Dimitris aura le crâne rasé en direct, ultime outrage pour le pauvre Piggs.

image1La fin de l’année scolaire arrivant et les nécessités purement estudiantines reprenant le dessus, la production est interrompue, avec le ferme espoir de mettre le final en boîte dès le début des vacances. Pourtant, les choses traînent et la motivation baisse d’un cran, d’autant qu’un véritable meurtre est commis dans les alentours du hangar où était tournée la scène du Boucher. De quoi doucher l’enthousiasme le plus fervent. Qui plus est, en fonction des options de notre dernière année d’étude, la classe se scinde et les acteurs n’auront plus l’occasion de se retrouver, stage et TFE accaparant la plupart du temps libre. Christophe termine néanmoins le montage, qui atteint une durée de 42 minutes.

En l’état, Meurtres Fatalement Mortels est présenté assez régulièrement dans un cercle de proches, suscitant généralement une certaine sympathie malgré ses très nombreuses approximations. Bien évidemment, le point d’interrogation concluant le film ne manque de frustrer, appelant une réponse que l’équipe songera souvent à apporter sans jamais s’y consacrer sérieusement. Jusqu’à ce que…

Le « Director’s Cut »

image5Par un étrange hasard, c’est en 2002, année où est supposé se dérouler Mefamo, que les choses se remettent à bouger. Christophe gagne sa vie en tant que technicien pour une chaîne de télévision (caméra de plateau et régie finale), poste auquel il accède grâce à Dimitris. Son salaire durement gagné lui permet d’acquérir enfin le matériel nécessaire au montage virtuel, et, afin de mieux en appréhender les capacités (il n’a jamais reçu de véritable formation dans ce domaine), ressort les 4h30 de rushes de Mefamo, dont il tire d’abord une bande-annonce (montée parallèlement à des projets de teaser et trailer pour le long métrage Le Festin de la Mante, de Marc Levie). Fabian Bodin et Michael Lemmens s’enflamment pour le résultat, et Christophe entreprend de remonter entièrement le film sur Studio de Pinnacle, logiciel de montage familial fournit avec sa carte d’acquisition vidéo. De quoi faire sourire les pros, mais d’une précision amplement satisfaisante pour l’apprenti monteur. Cette nouvelle version se voit gratifiée d’un nouveau générique, de scènes forcément plus rythmées (le réalisateur bricolant certaines prises ratées afin de bénéficier de plus de plans), et s’achève sur un épilogue écrit laissant augurer une suite. Ce « Director’s Cut » (en avant les grands mots) ne résout pas pour autant les erreurs de réalisation, mais le mal est fait : l’intérêt pour Mefamo est relancé et, si Christophe se montre de prime abord peu enclin à relancer l’entreprise, Fabian y croit dur comme fer et parvient à le convaincre.

Mais ceci est une autre histoire…

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